Jirai cracher sur vos tombes- - Rage, sexe et jazz

Été 1946. Tandis qu’il passe des vacances en famille au bord de la mer, Boris Vian s’attelle à la rédaction d’un roman noir, genre alors très en vogue qu’il sertit de sexe, de violence et de rage. En quinze jours, il boucle le manuscrit mettant en scène Lee Anderson, un jeune métis qui venge la mort de son frère noir lynché par des Blancs dans une Amérique ségrégationniste. À sa parution à l’automne aux éditions du Scorpion, J’irai cracher sur vos tombes, signé Vernon Sullivan, dont Vian revendique uniquement la traduction, devient un succès de librairie. D’abord conçu comme un canular vengeur, qui lui permet de gagner facilement de l’argent, l’œuvre devient rapidement un objet encombrant pour son auteur. D’abord parce qu’elle éclipse la sortie de L’Écume des jours, publié quelques mois plus tard sous le vrai nom du natif de Ville-d’Avray. Ensuite parce qu’avec le meurtre en 1947 d’une femme étranglée par son amant dans une chambre d’hôtel dans laquelle la police trouve le roman, la presse, pas dupe de la réelle identité de l’auteur, se déchaîne. Le livre et Vian sont attaqués pour outrages aux bonnes mœurs. L’écrivain se sent alors contraint de répliquer par un article dans lequel il clame : “Je ne suis pas un assassin”... Peau noire, masques blancs Émaillé d’extraits du livre, d’images de Saint-Germain-des-Prés vibrant de jazz et d’analyses de critiques, d’historiens et de romanciers, ce film démontre à quel point la question de l’identité fut au cœur de J’irai cracher sur vos tombes. Finalement tiraillé entre le succès de son avatar à consonance américaine et l’insuccès de son œuvre signée de son vrai nom, le jeune romancier décidera de se consacrer à la chanson, avant, quelques années plus tard, d’être fauché par une crise cardiaque en pleine projection de l’adaptation filmique de son sulfureux roman. J’irai cracher sur vos tombes, âpre et violent réquisitoire contre le racisme et le puritanisme, fait encore aujourd’hui entendre son écho.
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