Roger Waters, discours devant le Conseil de sécurité de l’ONU, le 8 Février 2023 vostfr

Madame/Monsieur le Président, Excellences, Mesdames et Messieurs. Je suis profondément honoré d’avoir l’occasion unique de m’adresser à vos Excellences aujourd’hui. Avec votre indulgence, je m’efforcerai d’exprimer ce que je crois être les sentiments d’un nombre incalculable de nos frères et sœurs à travers le monde, tant ici à New York qu’au-delà des mers. Je les inviterai à s’exprimer dans ces lieux prestigieux. Nous sommes ici pour examiner les possibilités de paix dans l’Ukraine déchirée par la guerre, en particulier à la lumière du volume croissant d’armes arrivant dans ce malheureux pays. Chaque matin, lorsque je m’assois devant mon ordinateur portable, je pense à nos frères et sœurs, en Ukraine et ailleurs, qui, sans que ce soit de leur faute, se trouvent dans des circonstances terribles et souvent mortelles. Là-bas, en Ukraine, il peut s’agir de soldats confrontés à une nouvelle journée meurtrière au front, ou de mères ou de pères confrontés à la terrible question de savoir comment nourrir leur enfant aujourd’hui, ou encore de civils sachant qu’aujourd’hui les lumières vont s’éteindre, à coup sûr, comme c’est toujours le cas dans les zones de guerre, sachant qu’il n’y a pas d’eau fraîche, pas de combustible pour le poêle, pas de couverture, juste des barbelés, des tours de guet, des murs et de l’hostilité. Ou bien, ils sont peut-être ici, dans une grande ville riche comme New York, où des frères et des sœurs peuvent encore se retrouver dans une situation désespérée. Peut-être que, d’une manière ou d’une autre, même s’ils ont travaillé dur toute leur vie, ils ont perdu pied sur le pont glissant et inclinable du navire capitaliste néolibéral que nous appelons la vie urbaine, et sont tombés par-dessus bord pour finir par se noyer... Peut-être qu’ils sont tombés malades, ou peut-être qu’ils ont contracté un prêt étudiant, peut-être qu’ils ont manqué un paiement, les marges sont minces, qui sait, mais maintenant ils vivent dans la rue dans un tas de carton, peut-être même à portée de vue de ce bâtiment des Nations Unies. Quoi qu’il en soit, où qu’ils soient, partout dans le monde, zone de guerre ou non, ils constituent ensemble une majorité, une majorité sans voix. Aujourd’hui, je vais essayer de parler en leur nom. Nous, les peuples, nous voulons vivre. Nous voulons vivre en paix dans des conditions de parité qui nous donnent la possibilité réelle de nous occuper de nous-mêmes et de nos proches. Nous sommes des travailleurs acharnés et nous sommes prêts à travailler dur. Tout ce dont nous avons besoin, c’est un traitement équitable. C’est peut-être une expression malheureuse, après cinq cents ans d’impérialisme, de colonialisme et d’esclavage. Quoi qu’il en soit, s’il vous plaît, aidez-nous. Pour nous aider, vous devrez peut-être vous pencher sur notre situation difficile, et pour ce faire, vous devrez peut-être quitter la scène des yeux pendant un moment, mettre vos propres intérêts momentanément de côté. Au fait, quels sont vos objectifs ? Et là, j’adresse peut-être mes questions davantage aux cinq membres permanents de ce Conseil. Quels sont vos objectifs ? Qu’y a-t-il dans le pot d’or au bout de l’arc-en-ciel ? Des profits plus importants pour les industries de guerre ? Plus de pouvoir au niveau mondial ? Une plus grande part du gâteau mondial ? La terre mère est-elle un gâteau à engloutir ? Une plus grande part du gâteau ne signifie-t-elle pas moins pour tous les autres ? (...) La majorité sans voix est préoccupée par le fait que vos guerres, oui vos guerres, car ces guerres perpétuelles ne sont pas de notre choix, que vos guerres détruiront la planète qui est notre maison, et qu’avec tous les autres êtres vivants nous serons sacrifiés sur l’autel de deux choses, les profits de la guerre pour remplir les poches d’un très, très, très petit nombre et la marche hégémonique d’un empire ou d’un autre vers la domination mondiale unipolaire. Rassurez-nous en nous disant que ce n’est pas votre vision, car il n’y a pas de bonne issue sur cette voie. Cette route ne mène qu’au désastre, tout le monde sur cette route a un bouton rouge dans sa mallette et plus nous avançons sur cette route, plus les doigts qui démangent se rapprochent de ce bouton rouge et plus nous nous rapprochons tous de l’Armageddon. Regardez dans la pièce, à ce niveau, nous portons tous les mêmes chaussures. Revenons donc à l’Ukraine. L’invasion de l’Ukraine par la Fédération de Russie était illégale. Je la condamne dans les termes les plus forts possibles. De même, l’invasion russe de l’Ukraine n’était pas “non provoquée“, donc je condamne également les provocateurs dans les termes les plus forts possibles. Voilà, c’est réglé. (...) Roger Waters
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