Qu’est-ce que les Phénomènes de Sidération Psychique et de Dissociation ? Ça m’intéresse 2024

Source : Pendant une agression sexuelle, il arrive que la victime soit dans l’incapacité totale de réagir face à son agresseur. C’est ce qu’on appelle la sidération psychique. Muriel Salmona, psychiatre et présidente de l’association Mémoire Traumatique et Victimologie, revient sur ce mécanisme dont on ne parle pas assez. Très souvent après un viol ou une agression sexuelle, on reproche à la victime de ne pas s’être défendue face à son agresseur. “Mais pourquoi n’a-t-elle pas essayé de fuir ? De crier ? De se débattre ?“ L’inaction de la victime est alors perçue comme une forme de consentement. Pourtant, il n’en est rien. D’après une étude clinique suédoise parue en 2017, 70 % des femmes victimes de viol seraient comme paralysées pendant cet acte d’une violence inouïe. Tétanisée, la victime est dans l’incapacité de bouger, de parler, de penser, de réagir (ou alors simplement de façon automatique). C’est ce qu’on appelle la sidération psychique. Cette réaction du corps face à une situation traumatique est universelle. Elle peut survenir dans le cadre de violences sexuelles mais aussi lors de situations extrêmes qui nous prennent complètement par surprise, comme un attentat, par exemple. “La sidération peut être produite par la terreur, l’extrême violence, la menace forte ou par l’incompréhension totale d’une personne par rapport à une situation qui n’a aucun sens, qui est injuste ou fausse“, résume Muriel Salmona, psychiatre et présidente de l’association Mémoire Traumatique et Victimologie. Dans le cadre des violences sexuelles, “cette sidération psychique va être recherchée par l’agresseur, car elle va permettre de paralyser sa victime.“ Comment se manifeste la sidération psychique ? Habituellement, face à une situation de danger, le corps se met en état d’alerte et sécrète de l’adrénaline et du cortisol. Ces hormones du stress, libérées par l’amygdale cérébrale, préparent l’organisme à réagir et à fuir, décuplant parfois la force des personnes en situation de danger. Mais dans d’autres cas, la situation va être tellement terrorisante qu’il va y avoir une surcharge de stress qui va empêcher de prendre la fuite. “Les taux d’adrénaline et de cortisol deviennent si élevés qu’ils représentent un risque vital pour l’organisme. On peut mourir de stress dans ces conditions-là, notamment à cause d’un arrêt cardiaque“, explique Muriel Salmona. Alors, pour se protéger, le système disjoncte. Le cerveau va bloquer tous les processus psychiques. “C’est quelque chose que l’on peut d’ailleurs observer grâce à des IRM, insiste la psychiatre. On voit que toute l’activité des fonctions supérieures, c’est-à-dire le cerveau au niveau des lobes frontaux et autour du système limbique, va être complètement inactive. C’est ça qui va entraîner une paralysie psychique avec une incapacité pour la victime de penser la situation ou de réagir.“ Après la sidération, la dissociation : Cet état de sidération va souvent conduire à une dissociation chez la personne victime de violences sexuelles. “Il y a ce disjonctement et puis on ne ressent plus rien, reprend Muriel Salmona. C’est à ce moment précis que certaines femmes vont se mettre à avoir l’impression d’être spectatrices de l’événement. C’est ce qu’on appelle la dissociation traumatique. Cet état entraîne une anesthésie émotionnelle et physique.“ La dissociation va plonger la victime dans un brouillard émotionnel. Difficultés à estimer le temps qui passe, sentiment de déconnexion et d’étrangeté face à l’événement subi… La prise en compte de la réalité et du vécu est alors inhibée de manière temporaire ou durable. Voilà pourquoi de nombreuses victimes sont incapables de porter plainte ou de livrer un témoignage clair et précis sur ce qu’elles viennent de vivre. C’est d’ailleurs cette dissociation traumatique qui va faire que la victime va “se laisser faire“ par son agresseur. S’il lui demande de se déshabiller, elle ne sera pas en mesure de refuser, par exemple. Muriel Salmona rappelle que les agresseurs connaissent parfaitement ces mécanismes “et en abusent“. “Plus ils ont commis de violences, plus ils sauront comment faire en sorte que leur victime ne soit pas en mesure de se défendre.“ Et poursuit : “Ce qui est terrible, c’est qu’avec la culture du viol, on est tout le temps en train d’interroger le comportement de la victime sans regarder le comportement de l’agresseur. On ne prend pas non plus en compte les mécanismes psychotraumatiques qui découlent d’un traumatisme.“
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