Rachmaninov : Concerto pour piano et orchestren°2 en do mineur op 18 (Pletnev/Slobodeniouk)
Mikhaïl Pletnev interprète le Concerto pour piano et orchestre n°2 en do mineur op 18 de Rachmaninov avec l’OP sous la direction de Dima Slobodeniouk. Extrait du concert enregistré le 26 septembre 2024 à l’Auditorium de la Maison de la Radio et de la Musique à Paris.
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« S’il y avait un conservatoire aux enfers, et si l’on avait demandé à l’un de ses meilleurs élèves d’écrire une symphonie à programme sur Les Sept Plaies d’Égypte, et si le résultat ressemblait à la symphonie de M. Rachmaninov, alors il se serait brillamment acquitté de sa tâche, et il aurait ravi les habitants des enfers ». Voilà ce qu’écrivit le compositeur et critique musical César Cui, dans Les Nouvelles de Saint-Pétersbourg, au lendemain de la création désastreuse de la Symphonie n°1 de Rachmaninov, en 1897, sous la direction d’un Alexandre Glazounov passablement ivre... Ces propos outranciers furent peut-être motivés par une petite guerre entre le monde musical de Moscou, dont Rachmaninov faisait partie en fils spirituel de Tchaïkovsky, et celui de Saint Pétersbourg que représentait César Cui, membre du « Groupe des Cinq » avec Rimski-Korsakov, Borodine, Moussorgski et Balakirev.
Quoiqu’il en soit, Rachmaninov fut totalement dévasté par ce réquisitoire, d’autant qu’il avait mis tout son cœur et toute son âme dans cette symphonie qui cite quelques chants orthodoxes entendus dans l’enfance aux côtés de sa grand-mère. Il plongea, dès lors, dans une longue et profonde dépression arrosée d’alcool, détruisant cette partition qu’on reconstitua après sa mort, grâce aux parties séparées. Le mariage de son amour de jeunesse Vera Skalon, en 1899, n’arrangea guère cette phase dépressive. Pendant trois ans, Rachmaninov continua à se produire à Moscou comme pianiste, chef d’orchestre d’opéra, mais ne composa plus rien.
Après une rencontre infructueuse avec Léon Tolstoï censée ranimer sa créativité, « Sergueï Vassilievitch » fut littéralement sauvé, entre janvier et avril 1900, par les séances quotidiennes d’hypnothérapie de Nicolaï Vladimirovitch Dahl, éminent neurologue de Jean-Martin Charcot, pionnier de l’École de la Salpêtrière, soignant l’hystérie et d’autres maladies psychiques grâce à l’hypnose. Motivé par ses amis de la famille Satine (dont sa cousine et future 8 épouse Natalia Satina), le travail avec Dahl permettra la composition de « Rach 2 », le Deuxième Concerto en do mineur, œuvre de la renaissance, de la résurrection, que Rachmaninov dédia à son psychothérapeuthe. Ainsi, les trois mouvements pourraient être entendus comme l’évocation de la crise, le délicat retour à la sérénité et enfin la joie retrouvée. L’écriture de la partition commença en juin 1900 en Italie, où Rachmaninov travaillait avec le grand chanteur Fiodor Chaliapine sur leurs futures représentations de Mefistofele de Boito et se poursuivit en Russie, avec le soutien matériel de son cousin Alexandre Siloti et du pianiste Alexandre Goldenweiser. Le triomphe de cet opus fut immédiat, éclatant et durable, ce qu’admettra même César Cui.
Témoignage de son succès mondial, ce sont les premières notes du Deuxième Concerto, évoquant les cloches orthodoxes de sa jeunesse, qui sont gravées sur un monument de pierre dans son village natal. À partir du film Brief encounter de David Lean (1945), le cinéma va contribuer à l’immense popularité de la partition, profitant d’un véritable « filon Rach 2 », en particulier pour cet incipit et pour le thème du mouvement central. Souvent au cœur d’histoires d’amour adultères, ce Concerto est ainsi le fil rouge de I’ve always loved you de Frank Borzage, dans lequel les doigts de Catherine McLeod sont assez remarquablement coordonnés à l’enregistrement d’Arthur Rubinstein ; dans Rhapsody (1954) de Charles Vidor, Elizabeth Taylor hésite entre un violoniste (joué par Vittorio Gassman) et un pianiste (incarné par John Ericson) qui suit le « Rach 2 » interprété, cette fois, par Claudio Arrau. L’Opus 18 traverse aussi Partir, revenir (1985) de Claude Lelouch, Hereafter (2010) de Clint Eastwood, ou encore Au bout des doigts (2018) de Ludovic Bernard. La chanson populaire s’est également nourrie de l’Adagio central, comme dans All by myself (1976) d’Eric Carmen, et dans une moindre mesure Life on mars ? (1971) de David Bowie. Cependant, la palme revient à la prestation de Tom Ewell et Marylin Monroe dans The Seven Year Itch (1955), traduit en français Sept ans de réflexion, avec « The Second Piano Concerto » de ce « Good old Rrrrrachmaninov »...
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